L'arbre.
Dans l’arbre, un oiseau chante. Je ne vois pas l’oiseau, je ne vois que cet arbre. J’entends l’invisible. Je vois le silence. Quel duo !
L’arbre est immobile, muet, puissant, majestueux, surprenant. L’oiseau est imperceptible. Seul son chant, volumineux, harmonieux, enchanteur, atteste de sa présence. Est-il plus grand que l’arbre, plus beau, plus haut. Pourtant, l’arbre veut être généreux, accueillant. Il permet à l’invisible de se faire entendre. Tolérant, sa grandeur s’efface devant la petitesse. Mais cet arbre, ce roi, ne cherche-t-il pas à me tromper ? Ne veut-il pas me faire croire que le chant est son œuvre, qu’il possède l’arpège ? A bien réfléchir, cet arbre est logique. Un geste, un mouvement et l’oiseau se tait, pire il s’envole et notre géant reste seul dans sa suffisance. Si de ses entrailles une musique vient charmer mes oreilles, cette musique lui appartient, il l’a contrôle, il l’accepte, il l’aime. C’est sa musique, sa chose, sa vitrine, sa partie intime. Le roi de la forêt n’en est que plus grand. Géant, par sa taille, géant par sa générosité, géant par ses vibrations… Il accueille une autre forme de vie. Il cache des amours. Il favorise des naissances.
Cet arbre est une nouvelle arche de Noé. Mieux, un nouveau paradis solidement ancré en terre, d’où il reçoit les ondes telluriques de Mère Nature pour lui rappeler qu’il appartient à la glaise, celle-là même qui permit au créateur de donner du relief à son image : l’Homme. Cette glaise, cette argile, cette terre, véritable manne inépuisable, lui permet de se dresser droit vers le ciel, passant de l’horizontalité du sol à sa propre verticalité. L'arbre et l'homme : même combat ! A ses racines invisibles ; mais solidement amarrées dans l’humus, s’opposent ses branches noueuses, solides, dansant subtilement dans les vents tournant du Nord au Sud. L’air joue avec ses feuilles, filtres d’amour bruissant l’été, pour masquer les cris des passions naissantes. Le vent libre emporte, là ou ailleurs, les mille parfums : Son écorce, rude et acre. Ses feuilles, acides et mentholées. Ses bourgeons caramélisés et sucrés.
L’oiseau chante toujours sans se préoccuper des cent facettes de son illustre perchoir. Rien ne le trouble, sinon, parfois, une goutte d’eau. Cette eau céleste vient purifier le géant. Quelques grains de poussières cherchaient à le prendre comme piédestal désirant ainsi être reconnus comme poussières gigantesques… Mais que vaut une poussière devant une goutte d’eau ? Tout au plus une virgule boueuse sans avenir. Quoique !
Terre, Air, Eau, notre arbre conjugue les éléments. Et le feu me direz-vous ? Oui, le feu. Ne pensons pas à ce "feu-flamme" destructeur, pyromane, capable de brûler notre roi, de griller l'oiseau, d'incendier nos rêves… Pensons plutôt au feu invisible, celui de notre cœur, celui qui éclaire mon imagination.
"Au pied de mon arbre, je vivais heureux…"
JB